De Moscou à Irkoutsk dans le mythique Transsibérien

De Moscou à Irkoutsk dans le mythique Transsibérien

Quelque part entre Omsk et Novossibirsk, au deuxième jour de notre voyage, il est 17h55, heure de Moscou. Julien griffonne, Elise prends des notes. On a franchi l’Oural, 2 fuseaux horaires, et parcouru un peu plus de 3000 kilomètres. C’est notre deuxième jour (et deuxième nuit) à bord du Rossiya, le train effectuant la liaison Moscou – Vladivostok (9,289 km) en 7 jours. On est dans le Transsibérien !

Nous avons passé tellement de temps à préparer notre trajet, lu tellement de choses sur ce réseau de chemins de fer mythique, que maintenant qu’on est dedans, on a du mal à trouver les mots. Voulu à la base comme une « transition lente » vers l’Asie, afin d’éviter d’être parachutés dans un nouvel univers, notre parcours aura commencé à Saint-Pétersbourg (une petite nuit de train jusque Moscou), puis a continué entre Moscou et Irkoutsk (ce qu’on pourrait appeler le « vrai » Transsibérien, que nous lâchons en cours de route). Puis nous embarquerons dans le Trans mongolien, qui nous emmènera à Oulan-Bator en Mongolie, et enfin notre terminus, Pékin.

Deux jours plus tôt, sous la pluie, le stress monte. Nous sommes dans l’une des 6 gares de Moscou, et bien qu’on ait re-checké tout 3 fois, le doute est là. Est-on à la bonne ? On ne trouve pas les quais des départs… Nos regards errent sur les panneaux d’affichage, à la recherche d’un indice. Long-distance train. Rentrer dans la gare, passer les détecteurs de métaux, puis en ressortir. Est ce bien la ? Puis finalement on tombe sur le panneau d’affichage salvateur. Quai N°1, destination Владивосто́к. Le train rentre en gare à la vitesse de l’escargot, sûr de son statut de star.

23h00. Nous découvrons nos « quartiers », un ilot de 4 couchettes en compagnie de Vlad, un militaire russe, et d’une vieille dame russe dont on ne connaitra pas le prénom. Le militaire va jusque Oulan-Ude. Sa copine l’accompagne dans le train et nous parle un peu. On a appris après quelle n’aimait pas la langue française…sympa :) La vieille dame reçoit la visite de sa fille, une belle blonde, qui lui apporte un paquet avec des gâteaux. Les convives descendent et le train part. Rapidement les gens font leur lit et se couchent, on tente de trouver le sommeil.

On est réveillé dès 7h du matin le lendemain par une grande discussion entre une danoise, 2 russes et 2 coréennes, qui se trouvent derrière nous. La dame assise en face de nous écoute le débat (principalement en russe) et sourit. Elise, curieuse, se mêle à la discussion. Un des russes, qui semble être le « bodyguard » du train, vient d’être grand-père ! Il est fou de joie et bourré bien sur. Quand il apprend le prénom d’Elise (le même que sa petite fille), il lui offre un verre de vodka. Elise ne peut pas refuser… Il est 9h du matin… Santé !

Dehors, les paysages défilent, avec une végétation bien verte, des maisons en bois aux toits de tôle, des chemins boueux et des vieux camions abandonnés un peu partout. Mais qui vit ici ? Malheureusement la fenêtre du train est assez petite, et rayée. La vie dans le train s’organise. Déjà les toilettes sont sales, et en plus font un bruit d’éléphant malade lorsqu’on tire la chasse (on l’entend dans tout le wagon). Ca parle Russe, anglais, coréen, chinois et français ! C’est justement l’anniversaire d’une des deux coréenne derrière nous, sa copine lui a acheté un gâteau, c’est très gentil. Nous lui avons imprimé une petite photo polaroïd comme cadeau d’anniversaire.

L’après midi est calme, tout le monde dort ! C’est seulement après 17h qu’il y a de l’activité. Certains passagers semblent ne faire que ça, dormir. Le train fait de nombreux arrêts, espacés de plusieurs heures, parfois au milieu de la nuit. Sur les quais, en journée, vendeurs de glaces, peluches et nourriture d’épicerie. A l’occasion d’un arrêt qui nous permet de nous dégourdir les jambes, on rencontre une française qui est dans le même wagon que le nôtre, très chouette !

On a sorti notre jeu « milles sabords », qui a bien permis de rompre la glace avec nos voisins. Une russe pas commode qui était à coté de nous s’est finalement « ouverte » suite à une discussion avec le militaire, et serait presque sympa désormais. Pendant ce temps, la vieille dame fait et refait constamment son lit.

Les gens à bord mangent à toute heure. Le militaire vient de nous proposer des gâteaux sec avec notre thé, il a juste posé la boite devant nous sans rien dire. Quand on lui demande (en russe, avec notre guide de conversation sur le smartphone !) si on peut se servir, il a limite levé les yeux au ciel car pour lui c’est évident. Hier soir soir il nous avait offert une pomme. Ils sont comme ça les russes, ils partagent avec vous ce qu’ils ont mais ont tendance à refuser ce que vous leur proposez, c’est bizarre.

On vit selon plusieurs échelles temporelles : celle du soleil, l’heure de Moscou, qui est la référence (y compris pour l’heure des arrêts en gare) tout au long du voyage, et l’heure locale. On s’embrouille un peu. Nos smartphones, qui reçoivent l’heure du réseau, nous indiquent lorsqu’on change de fuseau horaire (mais avec parfois une heure de différence, allez savoir pourquoi !).

Lorsque le soleil baisse, c’est le début des allers-retours au samovar, qui fournit tout le wagon en eau chaude pour le thé et les pâtes lyophilisées. Vlad a de nouveau partagé ses victuailles, une saucisse à mettre avec les pâtes. Pour les russes, le transsibérien serait une sorte de psychanalyse, ils parlent entre eux beaucoup, se confient sans même se connaître, et en quittant le train se sentent un peu mieux. En se couchant, Vlad montre à Elise des photos de lui et sa copine, c’est mignon.

Durant la nuit des gens sont descendus et d’autres sont montées, du coup on se réveille avec de nouveaux colocataires, sans avoir pu saluer ceux qui sont partis…

Et puis une nouvelle journée de train commence. On retrouve les mêmes rituels : eau chaude au samovar pour le thé (« chai »), pates lyophilisées. La petite vieille qui refait son lit, et qui tous les matins se parfume, un réveil agréable. Vlad qui veut jouer au « milles sabords ». Lecture, sieste, regarder par la fenêtre.

Après trois jours de train, on est fatigué de mal dormir et de ne rien faire. Dur de se lever, dur de rester assis (mal aux fesses !). Julien ne rentre pas dans sa couchette, il doit choisir entre la position « chien de fusil » et la position « jambes-étendues-qui-bloquent-le-couloir », qui ne dure pas bien longtemps car les allées et venues dans le wagon font que ses pieds sont régulièrement shootés au passage.  Pour briser la monotonie, on profite des arrêts en gare pour marcher un peu, on va faire un tour au wagon-restaurant (qui est bien mieux pour apprécier le paysage), on va discuter dans l’ilot des voisins.

Les paysages désormais sont des forêts de sapins, c’est la Sibérie. C’est superbe. La petite dame continue de parler à Elise en russe, qui continue de lui répondre « da » en souriant sans rien comprendre… Le manque du russe est une vraie barrière. Quelques bases auraient été bienvenues.

Puis 3 générations ont pris place devant nous : la grand mère, la mère et la fille. C’est fou cette complicité être les mères et les filles en Russie, partout nous avons du des moments entre les deux dans la rue où elles se tiennent la main, elles font du shopping ensemble, boivent le thé ensemble, c’est très beau. Cela dit, la gamine – charmante au début – devient vite intenable, malgré tous les efforts de sa « babouchka ». Il est temps de dormir, demain matin nous arrivons à Irkoutsk après 76 heures de train et 5185 kilomètres parcourus.

Irkoustk. La pluie. Les au-revoir avec nos voisins. Petit pincement au cœur, car ce fut une magnifique expérience. C’était le véritable commencement de notre tour du monde et déjà de belles rencontres ! Il nous reste tellement à découvrir… On a eu plus le sentiment d’approcher la Russie via ce voyage que via nos visites des grandes villes, mais il manque encore quelque chose. On a filé en train à travers le pays, mais finalement la Russie semble avoir gardé son mystère…

Quelques paysages vus par la fenêtre

Pas facile de prendre de belles photos dans un train en mouvement et à travers la fenêtre ! Petite sélection sans ordre particulier, afin de montrer les différents paysages rencontrés.

Infos pratiques

Pour finir, quelques aspects pratiques pour ceux que cela intéresseraient pour l’avenir ;)

Les wagons

Il existe trois classes dans ce train : la première classe, luxueuse (compartiment de 2 personnes), la deuxième, souvent privilégiée par les touristes (compartiment de 4 personnes), et la troisième (la moins cher), privilégiée par les locaux : 54 couchettes dans un wagon ouvert. On a choisi cette dernière pour des raisons de coût et surtout pour être au plus près des locaux ;)

Confort et hygiène

Soyons clair, si vous venez pour le confort, vous faites fausse route. Des toilettes qui puent, ca sent la transpi, ca sent les pieds, tout ca mélangé aux odeurs de bouffe (saucisson et nouilles chinoises), ca envoie ! Cela dit Elise, à l’odorat très sensible, a survécu (grâce notamment à quelques apnées dans les toilettes).

Il n’y a que 2 toilettes, pas de douche (sauf en première classe), nettoyées régulièrement certes, mais qui puent assez rapidement (malgré le spray senteur café lol). Un petit lavabo, de l’eau tiède non buvable (prévoir de l’eau potable pour le trajet). Pour la toilette, les lingettes semblent être la solution préférée. Sinon vous pouvez faire un saut en première classe pour une douche à 150 roubles.

Couchettes

Nous étions dans le train numéro 2 « Rossiya », sensé être le plus moderne. Wagon 12, places 19 et 20. Dans le sens de la marche et au milieu du wagon donc parfait. Ne pas se mettre juste à côté des toilettes (à partir de la place 31) et de l’entrée (les places 1 à 4). Les lits ne sont pas hyper larges et longs. Préférer donc les couchettes du carré de 4 où les pieds peuvent dépasser dans le passage (note de Julien : c’est théoriquement possible, mais cela implique de se faire shooter les pieds une bonne quinzaine de fois dans la nuit par les passagers qui passent dans le couloir).

Si vous êtes deux, prendre une couchette au-dessus et une couchette au-dessous. La personne du haut n’a pas la place pour s’asseoir, donc elle descend sur la couchette du bas durant la journée, même si elle ne vous connaît pas. Il y a des draps, des couvertures et un oreiller par personne. Et une micro serviette de toilette en plus ! Des prises sont disponibles à côté des toilettes, dans les toilettes mais aussi dans l’îlot de 4 couchettes (belle surprise pour nous !). Prévoir boules-quies et masque si vous êtes sensibles au bruit et à la lumière. Les gens se mettent à l’aise dans le wagon, jogging et tong, ne pas hésiter à faire de même.

Amusement

Notre jeux « mille sabords » (un jeu de dès sans texte à lire) a fait fureur auprès de notre voisin de banquette russe, qui du coup a embrigadé plusieurs autres personnes. Pratique pour faire connaissance ! Prenez de quoi vous occuper, que ce soit littérature, musique, ou jeux vidéos ;)

Cuisine

Nous avions prévu une bonne ration de plats lyophilisés : pâtes, soupe, purée. Quelle gastronomie ! Le matin porridge avec de l’eau (bof bof, un peu fadasse, prévoir du sucre…), des gâteaux sec et du thé. Possibilité d’emprunter des tasses, très belles en plus ! Les locaux semblent habitués et ont avec eux du poulet cuit, des œufs, du concombre, du pain, des tomates, du fromage, du saucisson, des saucisses sèches, des yaourts qu’ils ne mettent pas au frais, des pommes de terre, bref toute une armada de mets ! On change 4 fois de fuseaux horaires donc difficile de se repérer pour les repas parfois. Dans chaque wagon se trouve un samovar qui vous permet d’avoir de l’eau chaude à tout moment de la journée. Des marchants ambulants (petites dames avec des charrettes) sont parfois sur le quai proposant des fruits, des noisettes, des blini, des mets fris, mais pas toujours.

19 réflexions sur « De Moscou à Irkoutsk dans le mythique Transsibérien »

  1. Whaaah!!! En lisant votre récit j’avais l’impression de lire un bon roman, j’étais à fond dedans, faisant abstraction de tous les « bruits » environnants et en rigolant à certains passages ma collègue m’a demandé ce que je faisais… c’est hyper bien raconté, ça donne une bonne idée de l’ambiance, de votre quotidien, vous vivez une expérience de fou c’est génial. Pourvu que la suite des aventures soit tout aussi enrichissante et aussi bien contée pour le plus grand plaisir de vos lecteurs! Gros bisous les loulous!

    1. Je suis d’accord avec So :), j’ai hâte de lire la suite de vos aventures. On a l’impression d’être avec et de vivre l’aventure. Bisous

    1. Notre internet est capricieux ici… C’est une borne 3G dont on capte mal le wifi 😉 La mise à jour est manuelle (plugin OSM dans wordpress) et pas très simple, ce qui explique cela ! J’ai pas eu le temps de chercher une alternative via le smartphone mais si tu en connais une on est preneur !

  2. cela fait complètement rêver ! l’ambiance, les rencontres, le côté désuet et intemporel, toutes les vies qui se croisent avant de retrouver leur chemin ! ce jeu mille sabords à l’air d’une idée de génie !
    Profitez bien les loulou

  3. Je reprends vos aventures ici (oui, je sais, j’ai du retard, paaaaaaaaaas bien!)! J’ai vraiment bien ri les zamis:o)! C’est vraiment tès chouette à lire et j’ai déjà envie de lire les articles suivants:o)! Cela me donne tellement envie hihihi!Amusez-vous bien:o)!

  4. Ça a l’air d’être vraiment top comme expérience, ce train me paraît tellement merveilleux, notre rêve…. c’est dommage de parcourir le blog que maintenant… on a pas suivi tout de suite…. vos aventures. On a hâte de lire le reste!!! Bisous

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